Mise en place d’un cash pooling à l’international
Marie de Beauregard est Trésorier International du Groupe Rocher présent dans 110 pays sur les marchés de la cosmétique, le textile-habillement et l’embellissement de la maison. Elle est en charge d’organiser la remontée du cash des différentes filiales vers la maison mère. Contextes économiques variés, culture cash à renforcer, cadres juridiques inadaptés : elle nous explique les difficultés liées à la mise en place d’un cash pooling à l’échelle internationale et partage avec nous sa stratégie.
Marie de Beauregard, parlez-nous du Groupe Rocher et des stratégies mises en place pour piloter son cash.
« Le Groupe Rocher est un groupe Français qui réalise un chiffre d’affaires de plus de 2 milliards d’euros. Implanté dans 110 pays, le groupe compte près d’une centaine de filiales. 8 marques sont au service de la beauté et du bien-être des femmes, parmi lesquelles Yves Rocher qui compte 40 millions de clients. Le Groupe emploie 15 000 collaborateurs dont 7 000 en France et 8 000 à l’international.
Nous veillons à instaurer une culture cash forte au sein de nos filiales étrangères et à les challenger pour qu’elles améliorent leur gestion du cash et recyclent au maximum leurs soldes bancaires. Pour les y aider, nous avons mis en place un cash pooling. »
Le cash pooling
« Le cash pooling s’effectue principalement en euros afin de limiter les risques de change. La position en euros est cash poolée vis à vis de notre entité financière qui centralise le cash. Ensuite, je remonte les informations à la maison mère.
Les filiales ont accès à ce cash pooling via un portail web issu de notre logiciel de trésorerie appelé KTP Web. Il leur permet d’ailleurs d’être à l’initiative de chaque virement. Qu’il s’agisse d’une demande de financement ou d’une remontée du cash vers la maison mère. Nous avons souhaité donner cette autonomie aux filiales pour les responsabiliser et leur apprendre à mieux gérer leur cash. Nous n’intervenons qu’au niveau de la validation finale du flux de trésorerie. »
Mise en place d’un reporting mensuel
« En plus de ce dispositif, j’ai mis en place un reporting mensuel suivant un certain nombre d’indicateurs. Par exemple, le nombre de virements effectués chaque mois par l’ensemble des filiales. L’idée étant là encore de responsabiliser les filiales et de les pousser à mettre en place des prévisions de trésorerie, afin qu’elles puissent minimiser leur recours aux virements. Ceci est valable aussi bien lorsque la filiale a encaissé du cash ou, lorsqu’elle a un besoin de financement. Ce reporting nous indique également leurs soldes bancaires fin de mois. Leur objectif étant de tendre vers un solde à zéro, pour une trésorerie des plus optimum. »
Utilisation d’un outil de communication bancaire
« Nous utilisons également un outil de communication bancaire développé par SunGard appelé Trax. Nous avons déployé cet outil dans une partie de nos filiales à l’occasion du projet Sepa. Il nous permet de recevoir des extraits bancaires sous forme de MT940 pour les comptes étrangers. Nous intégrons ensuite ce format d’extraits à KTP, notre logiciel de gestion de trésorerie. A partir du logiciel je peux ensuite tirer des analyses sur les flux de trésorerie sur différentes filiales et cibler « les mauvais élèves ».
A partir de cet outil nous obtenons des analyses très fines nous permettant de rentrer dans le détail et ainsi de mieux comprendre certaines situations bancaires. Certaines sont parfois peu claires, comme lorsqu’il y a un écart important entre le montant d’un compte et le cash réellement disponible. L’utilisation d’un outil adapté facilite l’échange avec nos filiales, ce qui est primordial. »
Comment se déroule la mise en place du cash pooling auprès de nouvelles filiales ?
« La première chose à faire lorsqu’on souhaite intégrer une nouvelle filiale au cash pooling est de rencontrer la personne en charge de la trésorerie. Puis de mettre en place une campagne de renforcement de la culture cash. La dernière filiale en date à avoir rejoint notre cash pooling est la République Tchèque. J’ai beaucoup échangé avec la trésorière et il a fallu répondre à de nombreuses questions. Qu’est-ce que le cash pooling ? A quoi est-ce que cela sert ? Pourquoi restituer son cash ? Qu’est-ce qu’une date de valeur ? Quels points faut-il valider avec la banque avant de mettre en place un cash pooling ? Quels sont les frais liés aux virements ? Qu’est-ce que cela rapporte ?
Un autre point important à prendre en compte est la variété des cadres juridiques encadrant cette pratique dans les différents pays concernés. En Pologne notamment, la loi nous interdit tout bonnement d’avoir recours au cash pooling.
Dans les pays qui comme la Pologne ne peuvent pas être intégrés à notre programme de cash pooling, nous mettons un point d’honneur à accompagner nos filiales pour renforcer leur culture cash. Nous les aidons à mettre en place des prévisions de trésorerie et à optimiser leur gestion du cash. D’ailleurs, elles ont recours à des prêts emprunts court terme deux fois par mois pour recycler leur cash. «
Arrive-t-il que des filiales soient réticentes à l’idée de rejoindre le cash pooling ?
« L’intégration se passe bien si l’on réussi à expliquer aux Trésoriers que cela leur permettra de tirer des revenus d’un cash qui autrement dormirait sur les comptes de leurs filiales. Dans le contexte actuel où les taux d’intérêts sont bas, il est encore plus simple de les convaincre de l’intérêt du dispositif.
Notre filiale tchèque est par exemple passée de soldes bancaires fin de mois très élevés à des soldes plus que satisfaisants. Cela est dû aux options de recyclage du cash offertes à cette filiale par le cash pooling. C’est un bel exemple d’intégration au cash pooling et de formation du Trésorier en matière de culture cash.
Impliquer les filiales sur des problématiques Groupe leur permet de comprendre que bénéficier d’une économie d’échelle est à la fois bénéfique pour le Groupe et pour la filiale. »
Comment s’organise le cash pooling dans les pays comme la République Tchèque qui n’utilisent pas l’euro ?
« En plus de l’euro, nous devons gérer des transactions en devises scandinaves : couronne suédoise, couronne norvégienne, couronne danoise et couronne tchèque. Du fait des marchés des changes, nous devons être préavisés deux jours à l’avance en raison des délais de règlement. Nous sommes dans un contexte où la banque ne veut plus que nous ayons des comptes avec des soldes en devises trop élevés car cela entraine des coûts liés aux taux d’intérêts négatifs.
Nous réalisons donc des swapssur quelques jours pour recycler le cash excédentaire. On programme l’échéance de ce « swap » au jour du netting, là où le reste de nos opérations de change vont se déboucler. La gestion est vraiment différente de celle des comptes en euro mais cela est surtout lié au contexte actuel de taux négatifs dans de nombreux pays. »
Aujourd’hui tous les fonds sont rapatriés en France. Pensez-vous qu’il s’agisse du meilleur placement ?
« C’est un vrai débat. En Pologne où il est impossible de mettre en place le cash pooling, la banque de la filiale remet ses comptes à zéro chaque soir et opère des placements « overnight ». Il faudrait voir quelle solution est la plus rémunératrice mais pour le moment nous avons choisi de centraliser tous les flux vers la centrale en France afin d’avoir un contrôle et une vision accrus des flux de trésorerie. »
Quelle est la prochaine étape du Groupe pour optimiser sa gestion de trésorerie ?
« Nous sommes satisfaits du dispositif mis en place et les résultats sont bons. Il faut maintenant mettre l’accent sur le reporting mensuel. Et bien sûr, établir toujours plus de dialogue avec les filiales dans lesquelles la culture cash n’est pas encore assez présente. En effet, en filiale les interlocuteurs ne sont pas forcément des trésoriers. Ils doivent donc acquérir des réflexes en terme de gestion du cash. Il est important de rappeler que ce sont elles qui ont l’initiative des virements. C’est par ce biais que l’on réussira à améliorer à long terme la gestion du cash du Groupe. »
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